Après avoir flâné entre Shimokitazawa et Shibuya, nous terminons notre voyage en beauté avec les quartiers de Yanaka, Roppongi, Shinjuku, Odaiba et Ginza.
Quatrième jour – Entre Yanaka et Roppongi
Nous nous remettons enfin du décalage horaire (comprendre : nous ne mettons plus deux heures à nous endormir, avant d’être, de toute façon, réveillés à quatre heures du matin par des bouffées de chaleur insupportables). Nous commençons la journée au très branché Suke6Dinner, avec un bon café et, face à nous, la Tokyo Sky Tree. Peut-être pas le petit-déjeuner le plus typique que l’on puisse trouver dans le coin, mais nous avons encore un peu du mal à nous mettre au poisson grillé dès le matin.
Notre destination de la matinée sera la station de métro Nippori, depuis laquelle nous comptons jeter un œil à la Nippori Fabric Town (rue célèbre pour ses marchands de tissus) avant de nous enfoncer dans les ruelles du quartier de Yanaka, réputées pour avoir gardé le charme du Tokyo d’antan. Dès la sortie du métro, le contraste entre Nippori, la contemporaine avec ses immenses barres d’immeuble, et Yanaka l’ancienne avec son vieux cimetière, est évident. Comme si les rails du métro qui séparent les deux quartiers marquaient une frontière entre ces deux mondes. Pour l’heure, la visite est d’abord à la modernité, et nous commençons par remonter la Nippori Fabric Town, à la recherche d’un tissu à ramener à ma mère, passionnée de couture. Dans le magasin Tomato Fabrics (qui est un peu l’équivalent local de Toto Tissus), une américaine nous aborde pour faire la discussion. Elle nous confie que Tomato Fabrics est son magasin préféré et qu’elle s’y rend à chaque passage à Tokyo. Le Japon m’a toujours semblé être une destination si lointaine, que je suis toujours étonnée de constater que pour certains c’est une destination habituelle.

Nos courses terminées, nous traversons les rails du métro pour passer de l’autre côté, vers le quartier de Yanaka. La visite commence par le paisible temple de Tennoji, où la statue de Bouddha dans le jardin contraste avec les barres d’immeubles de Nippori en arrière-plan. Le charme de Yanaka réside dans son atmosphère particulière, mélange du Tokyo d’antan et de petites rues qui auraient tout droit l’air d’être sorties d’un village de campagne. Ça et là ont subsisté d’anciennes maisons de thé dont on se demande bien comment elles peuvent encore tenir debout sur leurs maigres fondations dans ce pays où les tremblements de terre sont monnaie courante. Les vélos garés devant les maisons à pans de bois et les nombreuses plantes en pot complètent le tableau. L’ambiance de Yanaka est si paisible que, l’espace d’un instant, on aurait l’impression de marcher seuls au milieu d’une forêt.


Notre balade nous fait revenir vers ce qui semble être la rue principale du coin, si l’on en croit la multiplication soudaine des voitures et la hauteur des immeubles qui dépassent ici de loin les trois étages. Le vent s’engouffre dans cette longue rue et, transis de froid, nous trouvons refuge dans un petit restaurant, alléchés par les assiettes que nous voyons par la vitrine.

L’intérieur du restaurant est petit, mais chaleureux, tout en revêtement de bois. De notre place, nous apercevons la porte entrouverte de la cuisine et les bols fumants de nos voisins. Seul problème : la traduction du menu quasi tout en japonais que nous essayons de faire à base de Google Traductions n’est que très approximative.
« Je peux vous aider ? », nous demande une petite voix fluette dans un français presque parfait. En face de nous, notre voisine de table, séparée de nous uniquement par un petit paravent de bois semble avoir eu pitié de nous. Ni une, ni deux, elle saute de sa chaise pour venir à notre rescousse et commence à nous traduire la carte. Malheureusement, certains des termes du menu lui font défaut. La voilà donc qui part vers les cuisines pour se renseigner sur la nature exacte du plat du jour et c’est bientôt tout le personnel du restaurant, chef compris, qui se creuse les méninges pour réussir à nous traduire le menu. C’est donc avec beaucoup de reconnaissance que nous accueillons quelques minutes plus tard notre omelette aux légumes et au poulet commandé sur les conseils de notre guide de jour.
Pendant ce temps, la serveuse en profite pour nous remplir nos bols d’un thé fumant. Difficile de déterminer au goût ce dont il s’agit exactement (mon vote irait pour un thé à l’orge, mais je n’en ai pas eu confirmation). Malheureusement, cette boisson n’étant pas vraiment la tasse de thé de S., et pour ne pas peiner la gentille serveuse, nous échangeons discrètement sa tasse pleine contre ma tasse vide pendant qu’elle a le dos tourné. Mais celle-ci fait si bien son travail qu’elle vient immédiatement resservir S, avec un grand sourire. Ce petit manège durera tout le repas, me forçant à avaler pas loin de deux litres de thé (au moins!).
Notre voisine prend congé de nous, en s’assurant que nous avons bien apprécié les plats. Pas besoin de faire semblant, c’était tout simplement délicieux. Avant de partir, elle nous demande discrètement : « D’où venez-vous ? ». Lorsque nous répondons « Lyon », son village s’illumine encore plus. «Oh, Paul Bocuse ! », nous dit-elle avec une pointe de fierté dans la voix. La gastronomie n’a décidément pas de frontière.
Le cœur réchauffé par la rencontre, le repas, et les six tasses de thé fumantes que j’ai dû boire en toute discrétion, nous repartons à l’aventure dans le quartier. A l’angle d’une rue, S. me propose, un peu par hasard, de tourner à gauche sur une ruelle qui n’a pourtant l’air de mener nulle part. Et voilà que, tout au bout, après quelques minutes de marche entre maison à pans de bois et maisons carrelées ambiance « piscine municipale des années 70 », nous débouchons sur un petit parc dont l’entrée est marquée par un torii rouge, signe qu’un temple shinto se cache quelque part à l’intérieur. C’est ça l’instinct d’aventurier.

Au bout du chemin, ce ne sont pas un, mais plusieurs temples qui nous accueillent. Le principal est le sanctuaire de Nezu-Jinja, dans la cour duquel fleurissent des pruniers sur lesquels sont attachés de petites prières. Une petite allée mène à un enchaînement de torii, au bout duquel un deuxième temple, plus modeste et en pierre, s’ouvre à nous. Dans le jardin du sanctuaire, des bavoirs rouges ont été accrochés sur les petites statues d’animaux.


Après quelques minutes d’errance supplémentaires, nous tombons sur une station de métro. Nous avions initialement prévu de nous rendre à Roppongi en fin de journée pour admirer le coucher du soleil depuis la Tour Mori. Prenant la découverte inattendue de cette station de métro pour un signe, nous embarquons pour un tour de métro direction le sud de la ville (petite anecdote : l’ascenseur de cette station de métro comportait un bouton spécial en caoutchouc sur lequel il était conseillé d’appuyer avant de choisir l’étage sur les boutons métallisés pour éviter tout coup de jus).


Malheureusement, à Roppongi, la déconvenue est grande. Covid oblige, le panorama de la Tour est fermé jusqu’à nouvel ordre. Nous décidons donc de pousser jusqu’à la Tokyo Tower qui ne nous semble pas si loin (à vue d’œil seulement, en se fiant au sommet de la tour que l’on aperçoit non loin). Inutile de mentir, la marche depuis Roppongi jusqu’à la Tokyo Tower ne figure pas forcément dans mes meilleurs souvenirs de ce voyage tokyoïte. Le quartier est fait de grandes avenues, assez froides, entre lesquelles s’alignent des petites rues (clairement d’un autre standing que celles que nous avons visitées jusqu’à présent – si l’on croit les modèles de voitures garées devant). A la Tokyo Tower, l’entrée de la tour est aussi vide que le quartier que nous venons de traverser. C’est donc assez rapidement que nous nous retrouvons tout en haut, pile à temps pour admirer le coucher de soleil qui illumine les toits d’une lueur jaune.


Pour finir cette belle journée, nous décidons de tester l’onsen de l’hôtel, situé au tout dernier étage. J’avais lu dans un guide qu’il fallait bien se laver avant de rentrer dans les bains. Ne sachant pas exactement ce que « bien se laver » veut dire dans ce contexte, et ayant peur de passer pour la touriste ignorante, j’ai donc passé vingt minutes (au moins) à me laver les cheveux avant d’oser rentrer dans le bain à proprement parler. Quel plaisir ensuite de se couler dans l’eau à quarante degrés pour se délasser, en admirant, depuis l’eau, le sommet de la Tokyo Sky Tree. A côté du bain, un petit panneau indique « merci de bien vouloir reposer les insectes tombés dans l’eau sur le rebord ».
Cinquième jour – Shibuya et Shinjuku
Vacances pluvieuses, vacances heureuses ? Oui mais non. Pas lorsqu’il pleut des cordes et que tous les musées sont fermés pour cause de Covid. Alors, où se rendre lorsqu’il pleut et qu’il fait froid ? A Shibuya, bien sûr !
Notre première visite nous conduit jusqu’à un magasin de figurines de manga et de cartes à jouer, d’apparence modeste. Mais dès que nous descendons au sous-sol, c’est un autre monde qui s’ouvre à nous : un dédale d’allées aux goodies tous plus étranges les uns que les autres (non pas que j’aie quoique ce soit contre les goodies, mais certains étaient particulièrement…suggestifs, pour rester polie). Nous enchaînons (dans une ambiance beaucoup plus bon enfant) avec l’authentique Centre Pokémon du Parco Tower. Un rêve d’enfant devenu réalité : dès l’entrée s’étend devant nous un mur de peluches représentant absolument tous les Pokémons du monde. Et comme l’univers du marketing est très bien fait, le magasin faisant face au Centre Pokémon n’est nul autre que celui de Nintendo.
Après avoir résisté à la tentation de dévaliser tout le magasin, nous redescendons les nombreux étages du centre commercial, admirant les (souvent très chers) beaux vêtements exposés. A mentionner : les toilettes de ce centre commercial sont, de loin, les plus belles et les plus confortables que l’histoire des toilettes publiques aient jamais connues.
Notre soirée se poursuit à Shinjuku où, en bons touristes, nous souhaitons tester le New York Bar du Parc Hyatt, d’où la vue est apparemment magnifique et d’où l’on aperçoit le Mont Fuji par beau temps (clairement pas le jour de notre visite donc…). Après avoir trouvé le chemin jusqu’à ce bar situé au 52ème étage (et être passé en chemin par au moins trois ascenseurs et autant d’escaliers – ambiance Sylphe SARL garantie), nous nous posons enfin face à la vue sur Tokyo qui s’étend sous nos pieds. Le cocktail ne sera toutefois que de courte durée, car arrivés à 19h30 nous avons été poliment informés qu’en raison d’un concert de jazz commençant à 20 heures, un « cover charge » nous serait facturés si nous restions au-delà de cet horaire. A la vue du montant du cover charge, nous avons, tout aussi poliment, décidé de siffler nos verres en vitesse avant 19h55.

Le quartier de Shinjuku présente de nombreuses facettes. Lors de notre trajet du métro au Hyatt, nous avons eu l’occasion d’apercevoir son côte corporate, à base d’immenses immeubles de bureaux (où ça semble encore bien s’activer, alors qu’il est 20 heures passées) et ses autoroutes qui traversent la ville. Pas forcément ce qu’il y a de plus charmant. Mais, plus nous nous enfonçons dans Shinjuku, plus les rues semblent rétrécir, et se remplir de monde. Les lanternes apparaissent aux murs des immeubles, signalant la présence de restaurants et d’izakayas (et sans doute également la présence d’autres activités, le quartier de Kabukicho n’étant pas réputés que pour ses bars sympas). Ça et là surgissent des petites ruelles, où derrière d’épais rideaux en plastique, on devine des silhouettes qui boivent des bières en riant dans la fumée des cigarettes.


Nous arrivons dans le Golden Gaï, quartier atypique, dans un quartier lui-même déjà atypique. Le Golden Gaï est une succession de petites ruelles minuscules, parfois si étroites que l’on doit faire la queue pour s’y aventurer. Ces quelques rues sont quasiment uniquement composées de bars, où il faut souvent être un habitué pour être admis. Certains panneaux donnent d’ailleurs le ton, indiquant très clairement que les étrangers ne sont pas acceptés (cette exclusion serait visiblement liée à des problèmes de communication – la petite taille de ces bars, où il n’y a souvent qu’un comptoir, encourageant les habitués à discuter entre eux et avec le barman, la présence de personnes ne parlant pas du tout japonais pourrait un peu casser le principe).
Comprenant que le verre de saké ne sera pas pour ce soir, nous nous laissons tomber dans un petit restaurant de gyoza non loin. Nous sommes quasiment les seuls clients, assis à une grande table de bois. Là encore, la cuisine est ouverte sur la salle, et nous apercevons le chef qui s’active aux fourneaux. Nous commandons un peu au hasard sur la carte (surtout en ce qui concerne les boissons), et voilà que débarque une large plâtrée de gyoza grillés et absolument délicieux, ainsi qu’un long et étroit verre tout glacé avec, à l’intérieur, une boisson dont j’ignore complètement la nature. Moi qui pensais commander une limonade au citron, j’ai visiblement commandé ce qui a plutôt l’air d’être une sorte d’eau de vie locale très alcoolisée…en grande quantité.
Sixième jour – Métro à Odaiba, café à Ginza et soirée à Shinjuku
Pour débuter cette dernière journée à Tokyo, nous partons faire un tour de montagnes russes. Nous n’allons pas au parc d’attraction, non : nous partons pour la Yamamote Line (littéralement « ligne de la mouette rieuse »). La particularité de ce métro, en plus d’être moderne et sans conducteur, est de serpenter entre les immeubles de la baie de Tokyo jusqu’au quartier d’Odaiba, île artificielle où l’on trouve musées, onsens, et centre commerciaux (dont une reconstitution apparemment impressionnante d’une ville italienne, ciel étoilé compris). Le trajet dure environ une heure avec, en point d’orgue, le passage du Rainbow Bridge.


Le métro nous dépose près du quartier de Tsukiji, où l’on trouvait auparavant le fameux marché de poissons (où l’on pouvait assister à la criée…en s’y rendant à quatre heures du matin). Les halles de poissons ont aujourd’hui déménagé mais on trouve encore un marché de rue autour de leur ancien emplacement. Nous nous perdons donc entre les étals de Tsukiji, admirant les poissons et fruits de mer dont nous ne connaissons pas le nom.



Non loin du quartier de Tsukiji, s’ouvrent les gratte-ciels de Ginza. Changement d’ambiance en seulement quelques rues de marche, nous passons du marché de poissons à un quartier de luxe et de magasins hauts de gamme. Tout est impressionnant, vu de l’extérieur (mention spéciale pour le magasin Hermès – intégralement réalisé en carreaux de verre), mais nous n’irons pas tester si cela est tout aussi beau vu de l’intérieur. Nous hésitons en revanche moins à rentrer à la papeterie Itoya. Le paradis pour tout amateur de papier qui se respecte : sept étages déroulant les plus beaux papiers du monde (dont certains sont mêmes rangés sous verre et accessibles uniquement en demandant à un « concierge du papier »). Pas de doute, le Japon est le pays de la papeterie (et dire que je pensais que ce pays ne pourrait pas me plaire plus).
Pour cette dernière soirée à Tokyo, nous retournons au quartier de Shinjuku, pour y prendre des photos d’une petite allée que nous avions découverte par hasard la veille (et que nous avons réussi à retrouver du premier coup). Pour notre dernier repas à Tokyo, nous jetons notre dévolu sur un restaurant de barbecue. Le serveur nous conduit au dernier étage et nous installe dans un coin, à côté d’un brasero. Le lieu est étroit, et sent fortement la fumée (des grillades ou des cigarettes, on ne sait pas trop). Heureusement, pour ceux qui auraient peur de trop sentir le grillé en ressortant, une astuce : nos vêtements sont entreposés dans des petits casiers hermétiques situés sous notre table. A peine quelques minutes après notre arrivée, voilà qu’arrive déjà un plat de viande marinée, et surtout (clou du spectacle) les meilleurs concombres que j’ai jamais mangés dans ma vie. Et ce n’est pas une exagération.


Nous retournons flâner dans les rues du Golden Gai pour dire au revoir à Tokyo. Les magasins sont encore ouverts, et il y a du monde partout malgré l’heure. Le monde ne semble jamais s’arrêter dans ce coin de la ville. Et d’une certaine manière, c’est rassurant, car cela signifie qu’il sera toujours là si jamais un jour nous avons l’occasion d’y retourner.

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