Hugh Grant qui déambule avec un air de chien battu à travers les allées du marché de Notting Hill, sur fond de Bill Withers.
C’est en général la première image qui nous vient en tête désormais lorsque l’on pense à Notting Hill, cette comédie romantique ayant réussi, mieux que n’importe quel autre film, à faire vivre un quartier entier dans notre inconscient collectif. On connaît ces petites maisons, derrière lesquelles se cachent des portes bleues et des librairies de livres de voyage, ces jardins secrets où l’on peut s’infiltrer furtivement à la tombée de la nuit, et ce marché où passent lentement les saisons.


Nul doute que si Notting Hill a été choisi comme décor de ce film, c’est parce qu’il s’agit de l’un des quartiers les plus photogéniques de Londres. Après une première visite à Londres, dans le quartier de Shoreditch, nous voici partis pour le quartier de Notting Hill.

Intégralement construite durant l’ère victorienne sous l’impulsion d’un promoteur immobilier du nom de James Weller Ladbroke (qui a logiquement donné son nom à de nombreuses rues du quartier), le quartier était, avant les années 1840s, consacré à la fabrique de briques et l’élevage de porcs, et était connu sous le romantique nom de « potteries and piggeries » (très littéralement « poteries et cochonneries »).
Mais Ladbroke repère rapidement le potentiel du lieu, situé à quelques pas de Kensington Gardens, l’un des plus grands parcs royaux de Londres. Son ambition est de créer un quartier résidentiel huppé de belles maisons, petits jardins et allées boisées pour y attirer tout le gratin londonien qui commence à se sentir à l’étroit dans le quartier de Belgravia, de l’autre côté du parc. Les maisons victoriennes et leurs bow-window, imaginées par Ladbroke et son architecte Thomas Allason, poussent rapidement les unes après les autres au nord du parc de Kensington, formant le très ambitieux futur quartier de Notting Hill.


Le plan de Ladbroke est une réussite… à première vue. Le quartier attire certes, mais pas forcément la population aristocratique que Ladbroke souhaitait y voir, celle-ci ayant décidément du mal à se séparer de ses appartements à proximité de Buckingham Palace. Au lieu de la haute noblesse, ce sont des familles aisées qui viennent s’installer dans ces maisons cossues. Le quartier connaît alors une certaine renommée, faisant son apparition dans de nombreuses oeuvres de l’époque comme « La Dynastie des Forsyte » de John Galsworthy. Mais, cette population n’est pas celle pour laquelle le quartier avait été construit, et les jolies mais immenses maisons ne sont pas les plus adaptées. Les familles de la classe moyenne haute employant de moins en moins de domestiques, les larges maisons de Notting Hill se vident et sont peu à peu divisées en plus petites habitations.
Au vingtième siècle, Notting Hill souffre, comme tout le reste de la ville, du Blitz. Les maisons du quartier sont en partie détruites, laissant ça et là des dents creuses. Les habitations encore debout deviennent l’empire des marchands de sommeil, tirant malheureusement profit d’une population nouvellement arrivée des Caraïbes. La vie est alors dure dans le quartier de Notting Hill, comme en témoignent les romans de l’époque, dont notamment Absolute Beginners de Colin McIness (1958), présentant une image du quartier de Notting Hill à des années-lumières de celle d’Hollywood ou de celle imaginée quelques décénnies auparavant par Ladbroke. Les tensions grandissent à Notting Hill, donnant lieu à la création du Notting Hill Carnival dans une tentative de rassembler le quartier dans une ambiance festive. Tenu chaque année le dernier week-end du mois d’août, le Notting Hill Carnival est encore aujourd’hui l’un des plus grands carnavals d’Europe.

Difficile aujourd’hui d’imaginer en parcourant les tranquilles Uxbridge Street, Hillgate Place et Calcott Street que des émeutes se tenaient il y à quelques décennies à peine dans ces rues colorées, que Caetano Veloso choisit ce quartier pour s’établir lors de son exil hors du Brésil, ou encore que Jimy Hendrix y passait sa dernière nuit, au Samarkand Hotel, un certain mois de septembre 1970. Par un samedi matin ensoleillé de déambulation entre les maisons bleues, roses et violettes, on y croise aujourd’hui les londoniens faisant leurs courses au marché de producteur du coin, le Notting Hill Farmers’ market, un tapis de yoga dernier cri sous le bras, et prêt pour un brunch au délicieux café Eggbreak.

A quelques pas de la station de métro Notting Hill Gate, à l’angle de Portobello Road et Penbridge Road, commence le célèbre marché de Portobello Road .

Les stands s’alignent vendant, au choix, porcelaine antique, boîtes de thé ou vieilles cartes postales. Le magasin le plus populaire de la rue est, sans nul doute, Alice’s, sorte de caverne d’Ali Baba où chaque recoin cache un nouveau trésor, qu’il s’agisse d’une vieille voiture de course en miniature ou d’anciennes affiches de publicité. Le magasin a d’ailleurs fait une apparition dans le film Paddington, le rendant célèbre aux yeux d’enfants (et de parents) du monde entier.


En continuant sur le marché, Portobello Road croise les rues de Westbourne Grove et Colville Terrace, célèbres pour leur magnifique alignement de maisons. La petite boulangerie The Hummingbird Bakery située à mi-chemin entre les deux permet de faire une agréable pause de lèche-vitrine de patisseries.
Non loin de Collville Terrace se dresse l’Electric Cinema, l’un des emblèmes du quartier, repérable à sa devanture bleue aux grandes lettres d’un rouge…électrique. Construit en 1910, dans un style édouardien, le cinéma tire son nom du fait qu’à l’époque de son ouverture il était l’un des seuls bâtiments du quartier pourvu de l’électricité.

Les magasins de mode ne font pas non plus défaut entre boutiques vintage aux élegants souliers et robes d’après-guerre résolument fifties, en passant par des marques plus branchées et bien sûr par la multitude de tote bags estampillés « Notting Hill ».
La mode n’a fait son apparition sur le marché de Portobello Road qu’au tournant des années 1940s. Jusqu’à cette époque, le marché était principalement alimentaire et n’occupait qu’une petite partie de la rue. Le Portobello Road de l’après-guerre voit alors arriver les premiers « rag and bone men », marchands spécialisés dans le commerce des friperies et des antiquités.



Parcourir Portobello Road à la recherche de ses trésors cachés peut prendre des heures. Heureusement, quartier prisé oblige, les petites rues de Notting Hill ne manquent pas d’adresses pour se reposer autour d’un café ou d’un bon déjeuner.
Et il faut dire qu’il y en a pour tous les goûts : ambiance pub traditionnel (le Churchill’s Arms), brunch contemporain (Granger & Co, Farm Girl ou Lisa’s) ou ambiance rétro (Electric Dinner).

Si la foule devient trop oppressante (car le Portobello Road Market est l’un des marchés les plus fréquentés de Londres, difficile de s’y frayer un chemin les samedis matins), les mews permettent de faire une agréable pause au calme. Petites impasses et ruelles, les mews de Notting Hill sont des petites allées de briques, souvent fleuries, donnant une sentation d’être hors du temps. Attention donc à ne pas oublier que ces rues sont réellement habitées.
Et pour ceux qui souhaiteraient s’évader du tumulteux marché, le canal n’est pas très loin et permet de souffler un coup au bord de l’eau.

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